« Quand le médecin vous annonce que votre enfant est atteint d’une maladie grave, c’est comme un coup de tonnerre dans un ciel bleu. D’un instant à l’autre, vous basculez dans un monde inconnu, un tunnel, un labyrinthe où vous vous perdez… Et le sentiment de glisser dans un abîme sans fin… Mais ce 23 janvier 1985, quand j’ai appris que Yann était frappé par une leucémie, il n’avait même pas 3 ans. Comme dans le film émouvant de Valérie Donzelli, j’ai littéralement déclaré la guerre à la maladie et à sa cohorte de malheurs, de souffrances, de malédictions… Tout faire pour que la vie continue…
Avec Yann, ses médecins, ma famille, mes amis, nous nous sommes battus jour après jour pendant des mois, contre la maladie. Je sais, cela ne suffit pas toujours, mais la bataille, le combat quotidien vous protègent de la baisse de moral et vous évitent de vous laisser submerger par l’angoisse.
Notre chance s’appelle Claude Griscelli, il est à cette époque chef de service à l’hôpital Necker à Paris. Corse, père de 4 enfants, ce pédiatre cancérologue va nous accompagner, nous donner toute sa chaleur méditerranéenne, entouré d’une équipe médicale exceptionnelle. Traitements douloureux, chimiothérapie, radiothérapie, jour après jour, mois après mois, nous gravissons le chemin de la guérison.
C’est de cette rencontre particulière que mon engagement est né tout naturellement. En 1989, Claude Griscelli me confie sa volonté de vouloir « changer l’hôpital » : tout mettre en œuvre pour améliorer l’accueil de ces petits malades et celui de leurs parents.
A cette époque, seul un fauteuil est mis à votre disposition dans la chambre de votre enfant. Et même si ces services de pointe sont mieux lotis que les autres, il y a beaucoup à faire pour rendre ces lieux angoissants moins tristes et plus confortables.
Claude Griscelli me parle alors d’une petite tirelire qu’on vient de lui présenter. Elle permettrait de collecter la ferraille (les pièces jaunes) chez les commerçants. Il me demande mon avis. Je trouve cela tout simplement génial ! Claude me demande de l’aider à faire connaître notre volonté de changer la vie à l’Hôpital : créer des maisons des Parents, des chambres mères-enfants, des maisons pour adolescents en difficultés, etc… Tout ce qui pourrait être fait pour que la famille reste ensemble pendant ces moments si difficiles.
Je présente alors un magazine de Santé emblématique sur TF1. Je rencontre donc Étienne Mougeotte et Patrick Lelay, les patrons de TF1 à l’époque. Je leur raconte Notre Histoire, Notre futur Combat… L’accueil a été au-delà de nos espérances. Ils me laissent mobiliser toute la chaîne et convaincre un par un les journalistes et animateurs de soutenir cette première opération.
En janvier 1990, tous les animateurs, les journalistes de TF1 brandissent la tirelire dans tous les programmes de la chaîne y compris dans les journaux de 20h et de 13h – 300 000 francs furent collectés…
L’opération Pièces Jaunes était née… Ainsi que la Fondation Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France.
Nous avons arpenté la France entière avec le Train Pièces Jaunes, nous nous sommes arrêtés dans plus de 50 gares, nous avons traversé une centaine de villes, visité des centaines d’hôpitaux… 26 ans plus tard, TF1 est toujours au rendez-vous.
26 ans plus tard, ce sont des milliers de projets financés pour faire de l’Hôpital un lieu de vie comme à la Maison… Grâce à ce rendez-vous de janvier auquel tous les enfants et parents participent.
26 ans plus tard, Yann va bien… Quant à Claude Griscelli, il sait qu’il peut compter sur mon engagement à la Fondation qui n’a jamais failli depuis 26 ans. Et il reste beaucoup à faire.
L’opération Pièces Jaunes est pour moi un véritable combat pour la Vie. »
Anne Barrère, Secrétaire générale adjointe de la Fondation Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France